En éliminant progressivement les barrières géographiques et en permettant de considérablement accroître le choix et le confort des consommateurs, la démocratisation des plateformes d’achats en ligne a permis, pendant les deux dernières décennies, de consensuellement jouer le jeu des principes du libre marché, de la circulation des biens et des personnes ainsi que du renforcement des liens économiques à travers le globe, comme consentis dans des traités fondateurs tels que celui d’Amsterdam signé en 1997.
Que ce soit par l’interposition d’événements ayant précipité cette transition (comme lors de la période du Covid-19) ou bien l’apparition de firmes ne vendant leurs exclusivités que via des moyens numériques, ces consommations sont désormais résolument ancrées dans les mœurs d’une grande partie des citoyens belges dont 76 % se seraient adonnés, au moins une fois, à un achat en ligne d’après les données fournies par le rapport annuel du SPF Finances.
Face à un marché qui prévoit d’englober des parts de plus en plus importantes dans le courant des prochaines années, et dont les rentrées financières consacrées par les boutiques en ligne peuvent largement surpasser leurs contreparties physiques (ce qui est désormais le cas pour la majorité des grandes presses belges comme La Libre ou Le Soir), le groupe de travail numérique met plus que jamais l’emphase sur la nécessité de protéger les droits des consommateurs sur Internet face à des techniques de plus en plus poussées pour leur soutirer des informations privées et à des achats toujours plus compulsifs.
Si certaines autorités, comme celle du ministère de la Transformation et de la Fonction publiques en France, s’étaient déjà attelées à recenser dès 2023 dix-neuf façons qu’ont les gestionnaires des e-commerces de doper leurs ventes de façon immorale afin de pouvoir les identifier rapidement et d’agir en conséquence, notons que le fossé entre ce qui est écrit et ce qui est réellement appliqué est bien souvent, et surtout dans le cadre de la digisphère, très éloigné de la réalité.
Que ce soit par la récente polémique provoquée par l’entreprise Shein, dont l’algorithme et les produits violent délibérément certaines conventions morales auprès de ses consommateurs, les autorités se retrouvent dépassées face au développement exponentiel du Web, qui rend le contrôle individuel fortement compromis et délibérément ralenti par ceux profitant de ces schémas douteux et qui représenteraient désormais presque deux entreprises belges sur dix opérant digitalement.
Effectivement, non seulement les autorités ne peuvent, la plupart du temps, même pas vérifier la véracité de la qualité des objets vendus ainsi que des normes de production en vigueur, comme pourrait le faire l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (dite AFSCA) dans le cadre du secteur Horeca ou bien l’APAVE en France pour délivrer des certificats ou décrédibiliser les acteurs qui font de la concurrence déloyale, mais ces techniques ne sont encore que marginalement étudiées dans les lieux judiciaires et académiques, faisant de ces procédés de réels dangers invisibles pour toutes personnes susceptibles d’utiliser des interfaces pouvant les présenter.
Cette motion, dénommée EquiTECH, vise à rétablir, d’une part, un environnement sécurisant pour les consommateurs les plus vulnérables (comme les personnes âgées face aux images générées par l’intelligence artificielle), à défendre les commerçants de fortes disproportions dans les moyens employés sur le marché des biens et services, tout en offrant un cadre d’action ambitieux mais ancré dans les lignes directrices établies par les conventions commerciales et numériques européennes et nationales, qui seront présentées succinctement dans la sous-section suivante.
Considérant que la motion EquiTECH s’inscrit dans le prolongement de :
-Des politiques de transparence des produits promues par le sixième livre du Code de droit économique belge (dit CDE) et qu’il se consacre, dans son article VI.2, à « fournir au consommateur les informations suivantes, d’une manière claire et compréhensible », passant par la divulgation complète des principales caractéristiques du produit, de l’identité de l’entreprise ainsi que du prix total du produit que consent à acheter le consommateur, également consacrées dans le droit européen par son équivalent du Règlement sur la sécurité générale des produits, ou Règlement 2023/988.
-La protection des personnes jeunes et financièrement vulnérables face à des fonctionnements addictifs, comme explicité dans la législation fédérale du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, visant à informer les individus de la mobilisation de subterfuges les invitant à payer pour des produits qu’ils n’auront pas forcément la certitude de recevoir à l’issue de la transaction. Notons, dans ce prolongement, que la mention de la Directive sur les services de paiement (DSP2) est tout aussi pertinente dans ce cadre, car elle vise à strictement encadrer les sites internet qui créeraient leurs propres monnaies afin de pousser davantage à la consommation en faisant perdre la notion de réel argent, tout en brouillant les pistes des autorités sur les réels gains engrangés par les firmes impliquées.
-Renseigner sur la toxicité des matériaux utilisés et de la chaîne de production pour mieux les aligner sur le marché européen et mondial. Elle passe par une mise en évidence des substances utilisées ainsi que des dangers qu’elles présentent aux acheteurs par la présence de pictogrammes consacrés par les Nations Unies dans le Règlement (CE) n° 1272/2008, ou règlement CLP (Classification, Labelling and Packaging), et qui s’est uniformisé très rapidement à l’échelle de notre continent. À cela doit se coupler l’ambition écologique marquée par l’Union européenne d’atteindre une politique de neutralité carbone et qui se transpose dans l’implémentation, cette année, de la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises (CSRD) et qui exigera progressivement des suivis et rapports provenant des plus grandes entreprises ainsi que celles mises sur listes rouges afin de communiquer sur l’impact de chacun de leurs produits, ce qui peut réduire en retour leur popularité et compétitivité.
Suggérant que la gravité du phénomène, couplée à sa forte diffusion permise par les canaux internet, nécessite une réponse ferme et basée sur l’entraide des autorités judiciaires et technologiques des pays membres de l’Union européenne, la motion EquiTECH a pour vocation d’être soumise à la délégation des eurodéputés du Mouvement Réformateur (Renew Europe). Elle sensibilise sur :
-L’instauration d’une obligation aux entreprises de notifier les consommateurs lorsqu’une image présentant de près ou de loin le produit concerné a été générée grâce à l’aide de l’IA afin d’activement combattre les fraudes basées sur des visuels de plus en plus convaincants.
-La soumission, pour les articles en ligne, aux mêmes écolabels ainsi qu’aux Nutri-Scores (pour des denrées alimentaires) pour permettre de préserver l’intégrité des acheteurs et de servir de première échelle de comparaison lors de l’entrée de biens fabriqués à l’étranger sur le territoire belge.
-L’encadrement strict des pratiques de paiements fractionnés et de débits automatiques des cartes bancaires lorsque des sommes excèdent 100 euros afin d’éviter le surendettement des foyers les plus précarisés. Toutefois, concédant toute liberté et responsabilité aux acheteurs, ils seront amenés à confirmer deux fois plutôt qu’une s’ils décident d’acheter.
-L’interdiction stricte de collecter des données auprès des utilisateurs sans leur consentement explicite ou via des subterfuges pouvant, entre autres, comprendre l’utilisation d’une intelligence artificielle intégrée à l’algorithme pour se renseigner sur le dos d’une personne sur base des premières informations qu’elle aurait données.