Les Jeunes MR demandent le renforcement coordonné des pouvoirs policiers et judiciaires contre le trafic de stupéfiants

Niveau de pouvoir :
Fédéral
Catégorie :
Sécurité

État des lieux :

Le mardi 18 novembre, à Bruxelles et Louvain, huit personnes ont été interpellées lors de dix-huit perquisitions dans le cadre d’une enquête portant sur de possibles projets d’attentat contre le procureur du Roi Julien Moinil[1], qui s’est donné pour mission le démantèlement total des réseaux de drogue, notamment via la saisie de leurs avoirs. Cette affaire illustre une fois de plus la gravité des menaces pesant sur des magistrats et policiers impliqués dans la lutte contre la criminalité organisée. De plus en plus d’observateurs mettent en garde contre la menace croissante que la Belgique glisse vers un narco-État.[2]

La lutte contre le trafic de stupéfiants demeure un enjeu majeur pour les communes belges et un défi quotidien pour la police locale. Malgré leur engagement, les services de police disposent de peu d’outils juridiques leur permettant d’agir efficacement et rapidement face aux trafiquants.

Afin d’améliorer la rapidité de la sanction, le Service Public Fédéral (SPF) Justice a mis en place le système des Propositions de Transaction Immédiate (PTI). Ces transactions permettent théoriquement à la police d’imposer une sanction pécuniaire payable sur-le-champ via un QR code. Cette mesure vise à éviter les procédures longues et à assurer une réponse judiciaire immédiate aux infractions mineures ou aux délits simples liés à la détention ou à la vente de stupéfiants.

En pratique, le système PTI présente de graves dysfonctionnements. Les QR codes fournis par le SPF sont souvent périmés ou invalides entre le moment où la police les délivre et celui où le paiement est traité par les services judiciaires. Dans de nombreux cas, les policiers ne peuvent vérifier si la somme a effectivement été versée, ce qui rend la mesure inopérante.

Ce mécanisme défaillant engendre non seulement un sentiment d’impunité, mais, dans certains quartiers, un véritable sentiment de toute-puissance chez les trafiquants, conscients des limites pratiques du dispositif.

Parallèlement, le téléphone portable est devenu l’outil central du trafic de stupéfiants moderne. Il permet la coordination, les paiements, la distribution et le recrutement. En France, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a d’ailleurs invité les procureurs à autoriser la saisie systématique des téléphones ayant servi à commettre des infractions liées à la drogue.

Nous avons tendance, dans les enquêtes portant sur de vastes trafics de stupéfiants, à nous concentrer sur les peines de prison, alors que les criminels continuent à opérer trop facilement depuis la prison grâce à des téléphones portables introduits clandestinement.

En Belgique, la loi du 19 décembre 2002 permet déjà la saisie et la confiscation de biens ayant servi à commettre une infraction. Toutefois, cette disposition reste peu mobilisée par la police locale dans le cadre des délits de drogue, notamment en raison d’un manque de procédure claire et d’un encadrement juridique adapté.

La lutte contre la violence liée à la drogue progresse difficilement, et cela n’est pas dû au fait que la justice et la police n’effectueraient pas leur travail. L’ensemble de la chaîne de sécurité souffre d’un manque de personnel et de moyens pour enquêter et poursuivre efficacement la criminalité liée aux drogues.

Le démantèlement des organisations de trafic de drogue passe en priorité par la saisie des avoirs des organisations criminelles. Matière dans laquelle la Belgique a encore du chemin à faire : Selon l’Organe central pour la Saisie et la Confiscation (OCSC)[3][4], la Belgique ne récupère qu’un peu plus de 100 millions d’euros par an. En comparaison en France, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) récupère 1,4 milliard d’euros par an[4].

Motivation de la proposition :

Sachant que :

Les PTI constituent une bonne idée sur le plan théorique, mais leur inefficacité technique et les retards administratifs affaiblissent considérablement la crédibilité de l’action policière. Dans de nombreux cas, les délinquants repartent libres, n’ont rien payé et poursuivent leurs activités sans conséquence immédiate.

Pour rétablir une autorité effective et visible de la loi, il est nécessaire de doter la police locale d’un outil complémentaire : la saisie immédiate, légale et encadrée des appareils électroniques (notamment les téléphones portables) utilisés pour commettre une infraction de trafic ou de vente de stupéfiants.

Une telle mesure aurait plusieurs effets positifs :

  • Dissuasion immédiate : la perte du téléphone représente une sanction réelle, concrète et instantanée.
  • Efficacité opérationnelle : la saisie perturbe directement le fonctionnement du réseau local.
  • Soutien à l’enquête : les appareils peuvent contenir des éléments de preuve permettant de remonter les filières.
  • Cohérence juridique : la mesure s’inscrit dans le cadre légal existant, sans rupture législative.

Enfin, la possibilité de valoriser légalement les biens confisqués, et d’en affecter les recettes à la zone de police concernée, renforcerait l’autonomie des zones et la crédibilité du dispositif.

Proposition concrète :

A. Réforme du système des Propositions de Transaction Immédiate (PTI)

  • Réaliser un audit complet du système PTI : durée de validité des QR codes, synchronisation SPF–police, vérification du paiement effectif.
  • Tant que ces correctifs ne sont pas apportés, autoriser des mécanismes complémentaires assurant une sanction immédiate en cas de refus de paiement.

B. Instauration d’un droit de saisie immédiate et encadrée des appareils électroniques

  • En cas de flagrant délit de détention, vente ou trafic de stupéfiants, si le contrevenant refuse de payer la transaction immédiate (cash ou carte), la police locale pourra saisir temporairement l’objet ayant servi à commettre l’infraction, notamment le téléphone portable.
  • La saisie est motivée, notifiée et transmise au parquet, qui doit valider ou non dans un délai de 48 à 72 heures.
  • L’exploitation des données ne peut s’effectuer que sous autorisation judiciaire expresse, par des agents spécialisés et dans le respect strict du RGPD.
  • Mise en place d’un protocole technique complet : scellés, traçabilité, horodatage, destruction des données non pertinentes.

C. Valorisation transparente des biens confisqués

  • Vente administrative officielle des biens confisqués (enchères publiques ou prestataire agréé).
  • Affectation exclusive des recettes à la sécurité et à la prévention au sein de la zone de police.
  • Rapport annuel d’audit et publication accessible au public.

D. Phase pilote et évaluation

  • Programme pilote de 12 à 18 mois dans plusieurs zones volontaires.
  • Formation des agents aux aspects techniques, légaux et éthiques.
  • Rapport public d’évaluation à l’issue de la phase test.

E. La création de nouveaux postes de magistrats au sein de l’OCSC par le gouvernement (Ministre de la Justice) via un arrêté royal.

  • Selon l’arrêté royal du 1er octobre 2019 (Arrêté royal fixant les descriptions de fonction du directeur, du directeur adjoint et des magistrats de liaison de l’Organe central pour la Saisie et la Confiscation), l’Organe central pour la Saisie et la Confiscation (OCSC) comprend seulement 4 magistrats (1 directeur, 1 directeur adjoint
    et 2 magistrats de liaison).
  • L’AGRASC française compte plus de quatre-vingts membres du personnel.
  • Renforcer le nombre de magistrats au sein de l’OCSC permettrait de doter la justice de ressources supplémentaires pour intensifier les saisies et confiscations d’avoirs criminels, et ainsi frapper plus efficacement les organisations de narcotrafiquants là où elles sont le plus puissantes : leur puissance financière.

F. Les dirigeants d’organisations criminelles doivent être placés sous un régime de sécurité renforcé en prison.Il est inconcevable que des chefs d’organisations criminelles puissent, en toute impunité, poursuivre leurs activités depuis la prison. Un régime de sécurité renforcé est indispensable pour empêcher la continuité des trafics et garantir l’effectivité de la peine privative de liberté.

G. La création d’une chambre de traitement des drogues au sein du tribunal correctionnel

  • Il convient d’opérer une distinction claire entre, d’une part, les usagers récréatifs pour lesquels un renforcement des amendes, des contrôles et de la sensibilisation à l’impact de leur consommation sur la criminalité organisée est nécessaire et, d’autre part, les personnes dépendantes, pour lesquelles la sanction purement financière est peu pertinente.
  • Pour ces usagers dépendants, une prise en charge structurée, un suivi et un accompagnement psychosocial s’imposent ; à cette fin, la création d’une chambre de traitement des drogues au sein du tribunal correctionnel permettrait de proposer un trajet de soins plutôt qu’une simple peine.
  • Inspirée des Drug Treatment Courts existant notamment aux États-Unis, aux Pays-Bas et dans certains pays scandinaves, cette chambre fonctionnerait comme un tribunal à approche thérapeutique, travaillant avec des conditions probatoires et l’implication d’assistants de justice.
  • Un tel dispositif contribue à réduire la récidive, à lutter contre l’addiction de manière plus efficace et à désengorger les juridictions répressives classiques, tout en renforçant la cohérence de la politique pénale en matière de stupéfiants.

Motion déposée par :

CA des Jeunes MR

PDF